L’homme s’est fabriqué des mots qui, en fin de compte, n’ont cessé de mentir. Bien que ce soit à toi que je parle (toi, la chair de ma chair, le sang de mon sang, et autres périphrases stupides que je rêve d’abord à de vieux patriarches pour la plupart quelque peu prophètes et tous atrocement barbus), je crois que j’abandonnerais l’entreprise de ce texte si, justement, le spectacle que j’ai sous les yeux ne me persuadait du contraire. Je suis revenu, oui, je me suis résolu à revenir là où tu n’es pas né (ne me le reproche pas) : à la maison Ardiano. (…)
Rappelle-toi, Lionel. Au bout du jardin, l’énorme peuplier d’Italie, que ni toi ni moi n’avons planté, emplissait l’espace d’une symphonie enragée de douceur. Ses feuilles, toujours renouvelées, n’ont cessé d’avoir de ces mouvements que l’humeur attribue à la fièvre, ou à l’impatience, ou à la détresse d’être attachées par le pédoncule docile, ou à la joie d’être encore vivante par ce même lien. Je t’écris, Lionel, et, sans l’entendre, j’entends l’arbre myriadaire. (…)
C’est à cela, Ruth-Esther, que je travaille depuis toujours : à écrire une musique qui vous comble tout entier sans que vous leurre l’illusion. Il me faut sortir de l’espace où les hommes se sentent rassurés pour la raison que la sécurité leur y semble quotidienne, un monde où sans effort jouent leurs facultés et se condense le trésor noir de leurs misérables petits secrets. (…)
Gaston Compère (1929-2008), docteur en philosophie et lettres, est un des plus grands écrivains d’expression française. Il a reçu le prix Jean Ray en 1975 pour La femme de Putiphar, le Prix Rossel en 1978 pour Portrait d’un roi dépossédé. En 1988, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le Grand Prix international d’expression française décerné par la Fédération internationale des Écrivains de langue française et, en 1989, le Grand prix de Littérature de la francophonie. Outre ses romans, il fut aussi poète, compositeur, dramaturge, romancier, nouvelliste et traducteur, notamment du Livre d’Heures de R. M. Rilke (Le Cri, 1989).
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Dayez s’intéresse, cette fois, à la justice pénale en tant que système. Façon de boucler la boucle en examinant les traits fondamentaux de tout l’édifice, ses lignes vectrices, et ce dans un double but : d’une part, montrer que, derrière leur apparente évidence, aucun des sacro-saints principes de droit ne va de soi et qu’ils comportent tous une face cachée préjudiciable aux personnes. D’autre part, esquisser ce qui pourrait leur représenter une véritable alternative.