« (…) Si l'usage des clés est si fréquent, c'est que l'image du monde littéraire est partout grimaçante. La fictionnalisation des lieux, des personnages et des discours prête à merveille à la satire. Il n'est guère surprenant, à cet égard, que tant Muno que Baillon, Mockel et Detrez mettent volontiers en scène des conflits et des querelles entre leurs personnages. La fiction est un moyen privilégié pour régler ses comptes et pour donner vie à l'entrechoquement des idées. Le journal intime offre un autre espace de choix pour les déclarations incendiaires ou venimeuses : Jean Muno ne s'en prive pas, comme le montrent à partir de corpus différents David Vrydaghs et Renata Bizek-Tatara, non plus que Paul De Wiespelaere. Un aspect qui traverse les articles réunis ici est peut-être le plus proprement belge de tous. Il s'agit du rapport à ce qui excède le littéraire. Les romans du XIXe siècle que Marianne Michaux a pris pour objet d'étude dans son article sont particulièrement représentatifs à cet égard, dans la mesure où tous jouent sur la confrontation entre le monde de l'art (littérature, peinture, théâtre) et le monde social. Que ce soit dans Sœur et Frère de Joseph Gaucet, dans Maubert de Henri Colson ou dans Le Directeur Montaque de Dominique Keiffer, cette confrontation ne se produit pas selon une axiologie opposant la bohème fantasque mais dévouée à un art autonome et la bourgeoisie utilitariste et castratrice ; par l'intermédiaire de la figure de l'artiste (ou plus tard de celle du journaliste chez Baillon) se dit plutôt une recherche de réussite sociale apaisée quoique déceptive, une lutte qui consiste moins à s'opposer à la société dans son ensemble qu'à tâcher d'y trouver une place, la plume ou le pinceau à la main. On retrouve cette tension et cette difficulté à se situer pour le poète entre deux grands types d'écrivains, le surréaliste d'un côté et le fonctionnaire de l'autre, dans l'analyse que livre Daphné de Marneffe du roman de Franz Hellens. Condamné à la marginalité au-dehors et au malaise identitaire au-dedans, l'écrivain belge doit avant tout négocier sa propre existence problématique. Les figurations du monde littéraire s'ajoutent ainsi à l'arsenal dont disposent les chercheurs pour mieux en comprendre les formes et les formulations. (Extrait de la présentation) »
Björn-Olav Dozo, en 1998, entre en langues et littératures romanes à l'Université de Liège. Il termine sa licence en proposant un mémoire sur « La réception de L'Utopie de Thomas More par son traducteur français ». Il poursuit dès 2002 un DEA et une thèse de doctorat, traitant respectivement « des deux premières générations de l'Académie royale de Langue et Littérature françaises : discours, personnel et réseaux », et des « Mesures de l'écrivain. Étude socio-statistique du sous-champ littéraire belge francophone de l'entre-deux-guerres en Belgique francophone », thèse défendue sous la direction de Jean-Marie Klinkenberg en 2007. Il est aujourd'hui chargé de recherches FRS-FNRS et maître de conférences à l'Université de Liège. Parallèlement, le jeune chercheur multiplie les activités scientifiques. Il compte parmi les membres fondateurs du groupe ConTEXTES, dont il a co-dirigé la revue (2006-2011), et du groupe d'étude de la bande dessinée ACME. Il est aussi membre refondateur du CELIC (Centre d'étude du livre contemporain).
En savoir plusAnthony Glinoer est professeur de littérature. Animateur de la chaire Édisoc, du Gremlin et du site Socius.
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).